Le magnat des affaires et homme politique a été élevé à la distinction de Commandeur de l’ordre du Mérite agricole camerounais samedi dernier, au nom du président de la République, par le secrétaire général du Comité central du Rdpc, Jean Nkuété.
«Très cher patriarche Fotso Victor, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Commandeur du mérite agricole camerounais à titre posthume ». Le dernier laurier glané par l’ancien maire de Bandjoun, a été remis par Jean Nkuété, secrétaire général du Comité central du Rdpc et représentant personnel du président de la République, juste avant la lecture du message de condoléances de Paul Biya à la famille, l’absoute et l’inhumation proprement dite, dans la stricte intimité parentale, au caveau familial. Tel est l’épilogue du feuilleton du dernier voyage de Victor Fotso, entamé le 19 juin à Paris pour s’achever le lendemain 20 juin 2020, à Mbouo par Bandjoun, et qui s’est déroulé en trois actes.
Acte 3 : le repos du bâtisseur
Résidence Fotso, au quartier Mbouo à Bandjoun, il est un peu plus de 15h30. La Chapelle de forme circulaire est richement décorée. Le blanc immaculé des murs et des chaises contraste avec la tenue noire arborée par la quasi-totalité de la famille, ainsi que quelques privilégiés qui ont pu y accéder. Le reste de l’assistance est installée sous une dizaine de chapiteaux de part et d’autre des vastes jardins du domaine.
Jean Nkuété se prosterne devant la dépouille installée à l’autel. Au pied du cercueil, il dépose la gerbe de fleur sur laquelle est gravée en lettres d’or : « Monsieur le Président de la République et Madame Biya » et s’installe. A ses côtés, le gouverneur de la région de l’Ouest et le préfet du département du Koung-Khi ont pris place.
La messe d’inhumation est conduite par un collège d’évêques composé de Nosseigneurs Abraham Komé, président de la conférence épiscopale du Cameroun, Joseph Atanga, Dieudonné Watio et Emmanuel Dassi. Le mot d’introduction du célébrant est très profond à l’endroit de la famille : « Victor, notre frère et père nous a quittés. Il est passé de cette vie à l’éternité. Nous sommes tristes et désemparés par son départ. Notre force est d’être ensemble, de nous réconforter les uns les autres, et de chercher ensemble cette lumière qui brille toujours dans l’obscurité la plus épaisse : la lumière de l’espérance ». L’évangile qui s’en suit ne prêche pas autre chose : « La mort ne peut rien contre l’amour, la foi et l’espérance. Seul l’amour nous fait exister, nous sauve ».
De la demi-douzaine de témoignages, l’on retient que le patriarche Victor Fotso a été un bâtisseur inlassable, doublé d’un homme de cœur sans pareil. Que ce soit Ta Sa Fotue, le père du défunt, Ma Maptue Thérèse, Lucie Fotso, sa fille ainée, Frank Fotso, l’un des fils, Laure Toukam Fotso épouse Njitap, l’une des filles, pour eux, dans le monde des affaires, Victor Fotso a été une référence dont la réputation avait dépassé les frontières nationales. Un patriarche respecté, généreux et attaché à son devoir. « Tu nous as inspirés et continueras à nous inspirer ». Dans la foulée, la famille n’oublie pas de remercier le chef de l’État, Paul Biya, qui a toujours été à leurs côtés. « Monsieur le représentant, veuillez transmettre nos sincères remerciements au chef de l’Etat. Mille merci pour tout », a conclu Laure Fotso.
Acte1 : le retour au pays natal
Parti de Paris peu de temps après le verdict rendu par le tribunal de Nanterre, la dépouille du patriarche Victor Fotso est arrivée aux environs de 20 heures 20 minutes à l’aéroport de Yaoundé/Nsimalen, accompagnée de l’équipage et d’une dizaine de membres de sa famille, dont Laure Fotso, épouse Njitap, qui a été à ses côtés jusqu’à ses derniers moments.
Le lendemain, aux environs de 9h45, l’appareil immatriculé 9H-FAB se pose sur le tarmac de l’aéroport de Bafoussam/Bamougoum. Le crachin qui arrose la ville n’a pas découragé le « comité d’accueil », composé principalement des membres de la famille et quelques personnalités politiques et administratives, dont le ministre Madeleine Tchuinte, le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, ainsi que de nombreux élus locaux. L’avion est désinfecté. Ses occupants le sont également, à leur descente. Après les honneurs militaires, le cortège funèbre s’ébranle pour Bandjoun, dont Victor Fotso était le premier magistrat jusqu’à sa mort.
Acte 2 : le tour du propriétaire
Avant l’ultime requiem et l’inhumation, celui qui a été, toute sa vie durant au service de la communauté, a fait un tour dans certaines de ses réalisations, telles que le stade municipal Fotso Victor de Bandjoun, la mairie de Pete-Bandjoun, la place des fêtes et la paroisse Christ-roi de Bandjoun.
Victor Fotso dit Fô Ngniapgoung, ce mastodonte du Rdpc dans la région de l’Ouest, fait partie de la toute première génération d’industriels camerounais. Après quelques années passées comme ouvrier agricole puis contremaître, Victor Fotso se lance dans les affaires dans les années 50. Dans la décennie 1970, son groupe compte déjà une vingtaine d’entreprises prospères, présentes dans pas moins de dix pays dans le monde.
L’histoire retiendra l’internationalisation d’Unalor, entreprise de production d’allumettes, vers la Côte d’Ivoire, le Liberia et l’Angola. Celle des piles électriques (Pilcam), les insecticides (Moon Tiger) au Sénégal et au Mali, la fabrique des cahiers (Safca), la distillerie des liqueurs, la culture du haricot vert pour la marque Bonduelle et l’imprimerie nationale au Tchad.
Le groupe Fotso, a également lancé la Commercial Bank (Cbc), qui a ouvert sa première agence à Douala en 1997, avant de se lancer, en 1999, au Tchad (Cbt), en Centrafrique (Cbca), en Guinée équatoriale (Cbge), et même à São Tomé-et-Príncipe (Cobstp). À cela, il faut ajouter la Société financière africaine (Sfa), basée à Douala, mais aussi des investissements immobiliers en France, notamment à Levallois-Perret, opérés par la Compagnie internationale de services (Cis).
Né le 26 juin 1926 à Bandjoun, Victor Fotso laisse derrière lui, une nombreuse famille biologique et politique inconsolable. Comme l’a dit la famille, des obsèques dignes de ce baobab, décédé à Neuilly-Sur-Seine en France le 20 mars 2020 à l’âge de 94 ans, seront organisées à une date ultérieure. Sans doute après le dénouement de la procédure de succession, lancée le 22 juin dernier sous les auspices de maître Rose Blanche Guemdjo Kouam, notaire à Bafoussam.
Serge Williams Fotso, à Bandjoun