Le maire de la commune de Bayangam, membre titulaire du Comité central du Rdpc et homme d’affaires prospère, a été inhumé à Kassap, son village natal. En présence de Peter Mafany Musonge, représentant personnel du chef de l’Etat, Paul Biya.
«Même mort, le père Sohaing continue de nous rendre service ». Le reporter est quelque surpris par les allégations de ce moto taximan, ce samedi 29 août 2015, non loin des installations de l’ancien péage de Bayangam, département du Koung-Khi, région de l’Ouest. A la vue de son étonnement, « Danger », comme l’appellent ses collègues qui ont trouvé ici dans l’activité de transport par motocyclette une source de revenu constante, ne peut s’empêcher de mettre de la lumière. « Depuis qu’il a construit cette station service, nous ne sommes plus obligés d’aller nous approvisionner à Bandjoun. Tous comme le télé-centre communautaire que vous voyez là et qui nous permet d’être en contact avec le monde entier, c’est toujours son œuvre ». Pareil pour le foyer de la paix, autre fleuron de Kassap. Dans la même lancée, André Sohaing venait de doter Bayangam (qui compte en plus deux villages, à savoir : Batoufam et Badrefam) d’une mairie digne de ce nom à Tougouo-Mbem. Un joyau architectural financé sur fonds propres, à hauteur d’un milliard de Fcfa.
Décédé le 22 juillet, à Douala, la première phase des obsèques du milliardaire de Bayangam ont débuté il y a trois jours à la morgue de l’hôpital de la Garnison militaire à Bonanjo, où autorités, amis et proches ont pris part à sa mise en bière. Après l’office religieux en la Cathédrale Saints Pierre et Paul de Bonadibong et en la résidence du défunt sis Bonapriso-Douala, la veillée de prières a débouché sur le départ, vendredi 28 août 2015 aux premières lueurs de l’aube, pour le quartier Kassap par Bayangam, dont il était le premier magistrat municipal depuis plus de 18 ans, et où un autre office religieux tenu en la chapelle familiale a fait place à une veillée de prières pour le repos de l’âme du défunt.
Aux côtés de Peter Mafany Musonge, représentant personnel du chef de l’Etat, ce samedi 29 août 2015 en la Résidence André Sohaing Fowagap (celui qui partage), de son titre de notabilité au sein de la chefferie Bayangam, un important parterre de personnalités politiques, traditionnelles et religieuses, ainsi qu’un nombre incalculable de personnalités du monde des affaires. Le représentant du chef de l’Etat salue Colette Sohaing, la veuve, ainsi que les autres membres de la famille du défunt, avant de s’incliner devant la dépouille. Le programme appelle l’office religieux suivi des témoignages, eux-mêmes ponctués par huit interventions. Le célébrant, l’abbé Takougang va puiser successivement dans le livre de Job et l’Evangile de Jésus christ selon St Luc pour tirer les leçons du passage du défunt sur terre.
De la série des interventions, l’on retiendra que André Sohaing a été un modèle, un guide dans la vie de nombreuses personnes « Nous sommes désormais sans repère, sans support », dira le 1er adjoint au défunt maire de Bayangam, alors que pour ses enfants « André Sohaing n’est pas mort, il a juste cessé de vivre ». Jean Nkuété ne manquera pas de relever qu’avec la mort de ce magnat de la politique, c’est trois pylônes, trois de ses personnalités les plus prestigieuses et les plus représentatives que le Rdpc perd en 10 mois d’intervalle dans la région de l’Ouest. Le secrétaire général du Comité central fait ainsi allusion à Mme Rosette Mboutchouang née Ndongo et Françoise Foning, décédées respectivement le 22 décembre 2014 et le 23 janvier 2015.
Noble bâtisseur au grand cœur
Le message de condoléances du président de la République et de madame Chantal Biya (lu par le préfet du Koung-Khi, Antoinette Zongo Nyambone) adressé à Colette et aux filles et fils Sohaing louera « l’engagement et la fidélité » du défunt, qui était « une référence dans le monde des affaires ». L’élévation à titre posthume au rang de grand chancelier des Ordres nationaux par Peter Mafany Musonge, au nom du président de la République, ne vient que confirmer toute l’estime que l’on avait pour le défunt.
La veille de son inhumation déjà, à l’étape de Bandjoun où un grand hommage lui a été rendu à la place des fêtes, Victor Fotso, son compagnon de toujours en politique comme dans le monde des affaires, a fait un témoignage poignant. Dans un style de narration pathétique dont lui seul détient le secret, le maire de Bandjoun a retracé leur cheminement commun pendant près de 50 ans. Il a rappelé les qualités intrinsèques du défunt, notamment dans la prise de certaines décisions qui ont engagé la vie de la nation pendant les années de braises au Cameroun. Les yeux larmoyants, Victor Fotso lui a souhaité un bon voyage sans retour pour l’éternité.
Alors que le cortège funeste s’ébranle en direction du caveau familial où il va entamer le dernier voyage de celui qu’on appelait affectueusement ici « le père » ou encore « joker », le visiteur ne peut s’empêcher de se remémorer l’ascension fulgurante de cet opérateur économique hors pair, issu de la vieille école. C’est précisément à cette période de prospérité que l’entrepreneur dont certaines sources situent la surabondance financière entre 1955 et 1986, acquiert l’hôtel Akwa Palace à Douala. Embouteillage de vins, biscuiterie, immobilier, rien n’échappe au « business tycoon » Sohaing qui trône alors à la tête de la compagnie Soudanaise. Il est alors le représentant exclusif des vins et spiritueux de marques françaises au Cameroun et dans de nombreux pays africains. Les succès s’accumulent et, c’est sans grande surprise qu’il accède au cercle fermé des entrepreneurs économiques les plus fortunés du Cameroun. Tout comme l’image de l’homme, le «sémiologue» aux tournures idiomatiques dont il avait seul le secret passe en boucle dans les esprits. Lui qui aimait à répéter : «je suis fier d’être le maire des intellectuels». Tout comme l’homme ne cachait pas sa posture vis-à-vis des manifestations des années de braise. Dans la sphère politique locale, tous ou presque se remémorent cette position que l’homme a assumé jusqu’au bout : «En 1990 certains demandaient la conférence nationale, moi j’ai demandé un district pour Bayangam».
Maire de Bayangam depuis 1996 (il a rempilé en 2002, 2007 et 2013), il savait donner un sens aux couleurs de sa chapelle politique. Entrepreneur économique et homme politique accompli, André Sohaing est né le 21 janvier 1933 à Bayangam. Après des études primaires, il quitte son village natal à l’âge de 10 ans pour Douala. Très jeune, il est déjà mordu par le virus des affaires. Commence alors une longue collaboration avec les commerçants grecs qui tiennent alors l’essentiel des commerces de la ville. Plutôt doué, il se lance d’abord dans le commerce ; puis, l’importation de marchandises. Notamment dans le domaine de l’agroalimentaire. Il intègre le secteur de l’hôtellerie en 1977. Intronisé compagnon de Beaujolais, nommé commandant du Grand conseil de Bordeaux, chevalier du Coteau de champagne en 1988, ce n’est pas du tout un hasard si tous ces grands noms arrosent les palais asséchés des milliers de personnes venus rendre un dernier hommage à ce grand homme que Bayangam politique et le Cameroun, voire le Monde des affaires n’oubliera probablement jamais.