«LE MONDE» NE DOIT PAS DEVENIR « L’IMMONDE »
Ceux qui ont connu l’âge d’or du « Monde » ne cachent pas leur perplexité, voire leur
stupéfaction : « Le Monde » est-il encore « Le Monde », au regard des contre-vérités que distille ce quotidien, à travers ses colonnes, sur le Président Paul BIYA et le Cameroun ? Ecrire, pince sans rire, que « le Président camerounais passe plus de la moitié de l’année à Genève » ou gloser sur la santé du couple présidentiel sans s’appuyer sur des données précises et exactes (du reste protégées par le secret médical selon la législation en vigueur dans tous les pays) relève, à tout le moins, de la fantasmagorie.
Pourquoi éviter la toute première opération journalistique qui soit, à savoir la critique des sources ou le recoupement des données brutes ? Informer, c’est mettre « in – forma » (en forme). C’est raffiner la matière première qui vous parvient en vrac : des sources on ne peut plus ubuesques aux sources les plus crédibles. Publier une information brute, sans l’avoir vérifiée ne participe pas du journalisme, mais de l’épopée, du roman ou de la poésie (on aurait aussi pu évoquer la tragi-comédie, si le contexte n’était délicat et le sujet grave).
Pour étayer notre argumentaire, prenons une référence inoxydable que cite Michel Mathien, professeur à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, ancien journaliste : « selon André Fontaine, ancien directeur du journal « Le Monde » (média de référence en France s’il en est), la profession est menacée par quatre pièges principaux : la subjectivité, la suffisance, la sujétion et la superficialité » (Les journalistes. Presses Universitaires de France. Paris. 1995, p. 119). Avec ce que nous avons relevé plus haut (contre-vérités sur le Président Paul BIYA et le Cameroun), ce à quoi il importe d’ajouter les billevesées sur « la République des vieillards » (comme si moult jeunes n’étaient, au Cameroun, ni ministres, ni gouverneurs, ni préfets, ni sous-préfets, ni hauts responsables dans l’Armée, la gendarmerie, la police, ni sénateurs, ni députés, ni Recteurs, ni hauts cadres dans les Universités, ni maires, ni adjoints au maire, ni Directeurs Généraux, ni chefs d’entreprise, ni présidents de tribunaux, ni procureurs etc.), force est de se demander si « Le Monde » n’est guère, désormais, gangrené par les quatre tares que décrit André Fontaine, ancien patron charismatique de ce quotidien créé par le mythique Hubert Beuve – Méry en 1944, avec l’aval du Général de Gaulle qui avait, toutefois, prescrit une totale indépendance de ce journal par rapport à lui-même (L’Homme du 18 juin 1940) et à tous les lobbies imaginables et inimaginables (éviter la « sujétion » pour ne pas dire l’asservissement). Pendant fort longtemps, « Le Monde » est resté neutre, honnête (pour ne pas dire objectif, l’objectivité étant asymptotique), au-dessus des pressions de tout bord. Pendant des décennies, ce journal est resté particulièrement austère (pas de photos, mais des textes informatifs, avec des commentaires pondérés et perspicaces, s’appuyant sur des faits méticuleusement recoupés. Un journalisme froid et rationnel).
Les quatre plaies
Reprenons les quatre « plaies » que dénonce André Fontaine : d’abord la subjectivité (au lieu de regarder l’objet, on se focalise sur le sujet). C’est Paul BIYA qu’il faut stigmatiser. Alors, on le stipendie à coup de mensonges facilement attaquables après une investigation classique. Petit exercice d’arithmétique du CM II : faisons la sommation du nombre de jours que le Chef de l’Etat passe à Genève – en travaillant d’arrache-pied, pour le Cameroun, j’en sais quelque chose – et soustrayons ces jours de 365, nombre total de jours par an. Nous verrons que l’assertion du « Monde » est dénuée de tout fondement arithmétique (pour que le Chef de l’Etat passe plus de la moitié de l’année à Genève, il faut qu’il y séjourne pendant au moins 183 jours. C’est faux).
Rappelons, en outre, l’intuition fondamentale du baron de Montesquieu sur la séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire. L’on constatera, aisément, que ces trois pouvoirs, au Cameroun, sont animés par une forte quantité de jeunes. Le journalisme d’investigation permet de résoudre ce problème qui semble être, pour « Le Monde », une quadrature du cercle, quand il s’agit du Président Paul BIYA. Pourquoi ? Mystère. Missile à tête chercheuse ? Sans nul doute.
Ensuite la suffisance : devrait-on revenir à la hiérarchisation des civilisations ou à la théorie des climats si chère au baron de Montesquieu ? Estimerait-on que « Le Monde », à cause de sa supériorité médiatique (l’immense Pr Pierre Albert, historien de la presse, estime dans La presse, P.U.F. Paris, p. 89, 1988, que « Le Monde est le journal français de référence par excellence ») bénéficie d’un privilège léonin qui lui donne le droit de traiter de manière grivoise et cavalière un Président de la République, Chef d’un Etat libre, indépendant, souverain et maître de son destin ? Nous ne le croyons pas. Toute information digne de ce nom (et qui soit différente de la rumeur) doit être passée au crible rigoureux de la raison et Descartes nous recommande de nous méfier de nos opinions, car elles sont, parfois, illusoires. La démarche scientifique de Gaston Bachelard (« observation, hypothèse, vérification, loi) conforte cette position méthodologique dont le journalisme qui est une science, une technique et un art tire son fondement scientifique.
En troisième lieu : la sujétion. Je ne m’étendrai pas outre mesure sur ce terme qui est suffisamment éloquent. J’ajouterai tout simplement qu’au cas où le texte serait commandité, la déontologie journalistique voudrait que l’on mette clairement, en bandeau, la mention « tribune libre », « libre opinion », voire, le cas échéant, « publiscopie », « message » etc. Ainsi, le lecteur n’est pas abusé et il sait à quoi s’en tenir, le contenu n’engageant pas la rédaction. Il ne s’agit là, évidemment, que d’une conjecture. C’est pourquoi nous utilisons le conditionnel.
Enfin, la superficialité. Ce substantif utilisé par André Fontaine (qui sait de quoi il parle) renvoie à un traitement plus que sommaire de l’information. Selon les règles universelles du métier, dès que l’information parvient à la salle de rédaction, elle est traitée par le « desk » compétent qui vérifie, interroge, recoupe, envoie, le cas échéant, un journaliste sur les lieux pour s’assurer de la véracité des faits (ceci aurait dû être fait, s’agissant d’un Chef de d’Etat de la stature du Président Paul BIYA), avant d’informer (mettre « in forma ») et arroser le monde entier avec toutes les conséquences y relatives.
« Le Monde » a-t-il été superficiel ? D’aucuns n’hésiteraient pas à franchir le Rubicon. D’autres affirmeraient qu’il s’agit d’un faux pas regrettable que ce journal à la notoriété établie rétablira ultérieurement ( soit par un droit de réponse prévu par la loi, soit par un reportage indépendant sur le terrain, soit à l’aune des mécanismes juridictionnels).
Un danger pour la démocratie
« Le Monde » est un repère. Une boussole. Déjà, dans La face cachée du Monde. Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir (Ed. Mille et une nuits. Paris. 2003. 634 p.), Pierre Péan et Philippe Cohen s’appesantissent sur la « dérive » et le « détournement » du quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry. Ils ajoutent : « le danger est devenu d’autant plus grand pour la démocratie que « Le Monde » demeure un média influent, voire dominant, dont les télévisions et radios s’inspirent tous les jours, même s’il est davantage craint que respecté ».
A priori, j’avais lu avec beaucoup de réserve cet essai, connaissant les prises de position parfois iconoclastes de Péan. Mais, aujourd’hui, je suis tenté d’accorder quelque crédit à cette publication fort documentée, quoique manichéenne, moi qui ai toujours eu pour « Le Monde » les yeux de Chimène, allant parfois jusqu’à paraphraser Charles de Gaulle (inspirateur de la création de ce journal) : « Le Monde » ne peut être « Le Monde » sans la grandeur », je me demande avec obstination : « Le Monde est-il encore le Monde ? » Et, en écho, j’ai ces mots du Pr Pierre Albert : « le sérieux et la variété de ses informations et de ses articles de commentaires, la valeur surtout de l’équipe de ses rédacteurs rassemblés autour de son fondateur qui a pris sa retraite en décembre 1969 lors du 25è anniversaire du journal, en faisaient de tout point de vue une exception dans la presse française » (La Presse. P. 89.). Une exception dont les Beuve-Méry, André Fontaine, Jacques Fauvet, Pierre Viansson Ponté … sont des épigones.
Je me demande pourquoi, en 1988, Pierre Albert utilisait déjà l’imparfait de l’indicatif (« ….en faisaient ») et non point le présent de l’indicatif (« …en font »). Imparfait ou pas, comme dit un proverbe bantou, « le varan est dans la mare et il obscurcit l’eau limpide ». Il importe que « Le Monde » ne devienne pas « L’immonde », qu’il ne descende pas de l’olympe pour se vautrer dans la fange en diffusant des ersatz d’informations participant du somnambulisme journalistique qui se situe à des années-lumière du professionnalisme (ne diffuser que des informations rigoureusement vérifiées et non pas des ragots). Ce serait une perte considérable pour la presse, le monde (la planète) et la Vérité. Au RDPC, nous valorisons le Bien, le Beau et le Vrai, dans un contexte idéologique sous-tendu par l’Unité, le Progrès et la Démocratie. C’est pourquoi le RDPC s’inscrit en faux contre les allégations pernicieuses du « Monde » qui, non seulement se situent aux antipodes de la vérité mais aussi sont de nature à porter atteinte à la devise de notre Parti.
Jacques Fame Ndongo
Membre du Bureau Politique
Secrétaire à la Communication du Comité Central du RDPC